La loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est publiée au JO du 9 août 2016, avec la décision du Conseil constitutionnel.
- Lire le texte de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016
- Lire l'article des Editions Législatives du 5 août 2016 après la réponse du Conseil Constitutionnel
La loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a été définitivement adoptée le 21 juillet 2016 après que le gouvernement ait engagé une nouvelle fois sa responsabilité sur le texte (49-3). Vu la multitude des changements opérés issus de la loi, nous consacrerons aux dispositions de la loi Travail un bulletin spécial de rentrée. En voici d'ores et déjà les grands axes.
On a souvent lu au cours de ces derniers mois que la loi était vidée de tout contenu. Certes modifiée et allégée de certaines dispositions au cours du débat parlementaire, elle inclut encore pas moins de 122 articles modifiant le code du travail.
Les plus emblématiques sur lesquels se sont concentrées toutes les attentions au cours de ces derniers mois font la promotion de la négociation d’entreprise notamment dans le domaine de la durée du travail et des congés. L’accord d’entreprise y a la primauté sur l’accord de branche et le législateur distingue systématiquement ce qui relève de l’ordre public, de la négociation d’entreprise, et des dispositions supplétives, en l’absence d’accord.
La mise en place des nouveaux accords offensifs de préservation ou de développement de l’emploi constituent également un domaine où l’accord d’entreprise a son importance et où prévalent les dispositions conventionnelles par rapport aux dispositions contractuelles.
Remarque : la loi crée un nouveau type d’accord majoritaire que les entreprises peuvent conclure en vue de la préservation ou du développement de l’emploi ; cet accord emploi offensif ne nécessite pas l’existence de difficultés économiques pour imposer de la flexibilité, contrairement à l’accord de maintien dans l’emploi défensif qui avait été créé par la loi de sécurisation de l’emploi. Notons que les négociateurs salariés de ces accords peuvent recourir à un expert-comptable rémunéré par l’entreprise.
Plus généralement, la négociation est vraiment à l’honneur dans cette loi qui fixe un nouveau cadre pour la négociation d’entreprise (préambule, clause de suivi, durée de l’accord fixé à 5 ans par défaut, publicité des accords, généralisation des accords de méthode), elle revisite les règles de validité des accords (généralisation des accords majoritaires mais recours facilité au référendum d’entreprise), elle favorise la renégociation en cas de mise en cause des précédents textes conventionnels et abandonne la notion d’avantages acquis, elle modifie une nouvelle fois les règles de négociation en l’absence de délégués syndicaux et sécurise les accords de groupe et interentreprises. Elle enrichit la négociation périodique sur l’égalité professionnelle d’un nouveau point : le droit à la déconnexion. A défaut d’accord une charte devra être rédigée dans ce sens.
Ensuite la loi réforme les règles de révision des accords en ouvrant la possibilité de demander la révision des accords aux organisations syndicales non signataires de l’accord initial.
Enfin les petites entreprises (moins de 50 salariés) ne sont pas omises : un accord de branche étendu pourra comporter sous forme d’accord type des mesures qui pourront être transposées directement par voie unilatérale par ces employeurs de TPE.
Ceux qui attendent de grands bouleversements seront déçus : pas de révolution en matière de durée du travail ni en terme de définition du travail effectif ou des astreintes, de durée du temps de travail, de déclenchement des heures supplémentaires, de majoration de salaire pour heures supplémentaires (minimum : 10%), d’organisation du temps partiel.
Une place prépondérante est laissée à l’accord d’entreprise ou à l’accord de branche (accord de modulation). Confirmation est donnée, s’agissant des conventions de forfait de la nécessité d’un accord de branche ou d’entreprise pour les mettre en place en entreprise.
En revanche le travail de nuit qui est toujours mis en place par accord de branche étendu, d’entreprise ou d’établissement mais également par accord de branche non étendu est redéfini et le travailleur de nuit se voit bénéficier d’un « statut » légal (conditions de travail, de repos, suivi médical spécifique).
En matière de congés payés : pas de grands changements non plus, mais signalons que les congés payés sont désormais dus aux salariés ayant commis une faute lourde.
A des fins de simplification, la loi regroupe la multitude des autres types de congés selon trois types de recours : congés d’articulation de la vie privée et de la vie professionnelle/ congé pour engagement associatif, politique ou militant/ congé pour création ou reprise d’entreprise. De nouveaux congés sont créés : congé pour catastrophe naturelle (C. trav., art. L. 3142-8), congé pour acquisition de la nationalité par exemple (C. trav., art. L.3142-75).
Certaines dispositions viennent en retouche de la loi Rebsamen dont certaines omissions ont été corrigées : possibilité de visioconférence pour la DUP ; précisions sur la base de données économiques et sociales ; ordre de consultation du CE / CCE et du CHSCT/l’instance de coordination par exemple.
Il y a également de réelles nouveautés : augmentation du crédit d’heures des délégués syndicaux et délégués centraux ; financement possible de de formation des DP et DS par le CE ; réaménagement des règles de répartition des budgets Activités sociales et culturelles des comités d’établissements entre eux ; droit d’accès à l’intranet de l’entreprise pour les syndicats ; modalités de contestation du recours à l’expertise par le CHSCT suite à la décision du Conseil constitutionnel censurant l’article L.4614-13, développement des missions du CHSCT en direction de l’emploi des personnes handicapées.
Cette nouvelle définition entrera en vigueur au 1er décembre 2016. Elle est destinée à sécuriser davantage les ruptures par les précisions qu’elle donne notamment sur la notion de difficultés économiques. Le périmètre d’appréciation est l’entreprise.
Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1°) à des difficultés technologiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés, 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés, 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés, 4 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 300 salariés et plus ;
2°) à des mutations technologiques ;
3°) à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4°) à la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise ».
Sous certaines conditions, les licenciements économiques avant transfert d’entreprise sont par ailleurs désormais possibles.
Le CPA rentre en application le 1er janvier 2017 ; il regroupe le CPF (compte personnel de formation), le CPPP (compte personnel de prévention de la pénibilité), et le tout nouveau compte d’engagement citoyen qui recense les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire et permet d’acquérir des heures inscrites sur le CPF à raison de l’exercice de ces activités, et des jours de congés pour l’exercice de ces activités. Le compte peut être ouvert dès 16 ans et se clôt au décès du titulaire.
Les actions de formation éligibles au CPF sont élargies et des abondements spécifiques sont créés pour les salariés peu qualifiés. De plus, le CPF est étendu aux professions libérales.
L’organisation des visites médicales est précisée, la surveillance des salariés à risques ou handicapés étant renforcée.
Par ailleurs les conditions de licenciement pour inaptitude sont revues et précisées : « l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi soit du refus par le salarié de l’emploi proposé soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Ceci concerne les inaptitudes d’origine professionnelle ou non, les deux procédures étant harmonisées.
L’obligation de reclassement est par ailleurs réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi dans les conditions légales, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
Le rôle du médecin du travail en matière de reclassement est par ailleurs encadré sachant qu’il doit pouvoir « formuler des indications sur la capacité des salariés à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté », il peut procéder ou faire procéder à une étude de poste et « proposer par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation et de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives, notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur.
L’inaptitude est enfin définie comme étant la situation dans laquelle se trouve le salarié pour lequel « le médecin du travail constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste » ; alors le médecin « déclare le travailleur inapte à son poste de travail ». Son avis « est éclairé par des conclusions écrites et est assorti d’indications relatives au reclassement du salarié ».
C’est la loi formation du 5 mars 2014 qui a fixé les règles de détermination de la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs. La première mesure de cette représentativité doit avoir lieu en 2017. Outre les critères de représentativité similaires à ceux des syndicats de salariés (respect des valeurs républicaines, indépendance, la transparence financière, ancienneté minimale de 2 ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience), le critère de l’audience a dû être aménagé, faute de pouvoir se baser sur les élections professionnelles.
C’est le nombre d’entreprises volontairement adhérentes à l’organisation patronale qui avait été choisi, les syndicats patronaux étant représentatifs s’ils comptaient au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs (au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel).
Ce décompte était fortement contesté par les organisations patronales majoritaires car ne prenant pas en compte le nombre de salariés de l’entreprise. En mai 2016, la CGPME, l’UPA et le MEDEF se sont mis d’accord sur une formule de pondération, reprise par le projet de loi Travail et donc aujourd’hui adoptée : les syndicats d’employeurs représentatifs seront donc ceux dont les entreprises adhérentes représentent soit au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs, « soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises ».
Remarque : rappelons que la représentativité patronale a aujourd’hui d’autres implications. La loi Travail a également pris en compte le nombre de salariés selon des pondérations spécifiques dans les domaines suivants : sur le fonds paritaire de financement des organisations syndicales et patronales (répartition des crédits du fonds ; représentation des employeurs dans le conseil d’administration du fonds) ; sur la désignation des conseillers prud’homaux.
Contre toute attente, avant le dernier vote de la loi a été ajoutée au sein du projet une disposition permettant aux employeurs d’inscrire dans leur règlement intérieur le principe de neutralité religieuse, et ce faisant, la possibilité de restreindre les manifestations de convictions religieuses des salariés si ces restrictions étaient justifiées par l’exercice d’autres libertés ou droits fondamentaux ou par nécessité de bon fonctionnement de l’entreprise dans la mesure où ces restrictions sont proportionnées au but recherché. Cette disposition a été votée.
Une fois la loi adoptée, le Conseil constitutionnel a été successivement saisi par le groupe des Républicains sur l’article 27 (mise à disposition de locaux aux organisations syndicales) et sur l’article 64 relatif à la nouvelle instance de dialogue social dans les réseaux de franchise puis par les députés de gauche pour usage à trois reprises de l’article 49-3 et non-respect de l’article 1 du code du travail, lequel prévoit la consultation préalable des partenaires sociaux sur toute réforme sociale.
La loi ne sera donc pas publiée avant la réponse du Conseil Constitutionnel (délai de réponse d’un mois). On annonce ensuite une avalanche de décrets.
Elisabeth Paolini, Dictionnaire permanent Social
Editions Législatives - La veille permanente