La procédure disciplinaire

Aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe de délai pour sanctionner l’agent fautif. Pour des raisons évidentes de bonne gestion du personnel, ce délai doit donc être raisonnable.

La sanction peut intervenir dès sa notification à l’agent concerné.

Lorsque l’avis du conseil de discipline est requis par la loi, il est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu’à l’autorité territoriale qui statue par décision motivée. L’autorité territoriale n’est pas liée par l’avis du conseil de discipline de première instance. Elle peut donc décider de ne pas prononcer de sanction, prononcer la sanction proposée par le conseil de discipline ou prononcer une sanction plus ou moins sévère que celle proposée par le conseil de discipline.

L’administration n’est tenue par aucun délai pour prendre une sanction après l’intervention de l’avis du conseil de discipline. Cependant, la bonne gestion du service invite à ne pas laisser s’écouler un laps de temps trop important entre l’engagement de la procédure disciplinaire et la décision de sanction.

Les décisions portant sanction sont des actes administratifs, c’est-à-dire qu’ils sont soumis à un régime de droit public et relevant, en cas de contestation, de la juridiction administrative.

La sanction d’avertissement peut prendre la forme d’un courrier adressé en recommandé ou remis en main propre à l’agent par l’autorité disciplinaire contre un récépissé. Toutes les autres sanctions prennent la forme d’un arrêté individuel qui sera placé au dossier de l’agent concerné.

La motivation doit permettre à l’agent poursuivi, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, de connaître les motifs de la sanction qui le frappe. Elle doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

La décision portant sanction doit donc préciser les griefs retenus à l’encontre de l’agent, les éléments de droit sur lesquels est fondée la décision et viser, le cas échéant, l’avis du conseil de discipline. Elle doit être notifiée, c’est-à-dire portée à la connaissance de l’agent concerné.

La sanction est exécutoire dès sa notification à l’intéressé. Si aucune sanction ne peut prendre d’effet avant la date à laquelle elle est portée à la connaissance de l’agent, la décision portant sanction peut cependant prévoir une date d’effet ultérieure. Ainsi, l’autorité territoriale peut souhaiter que l’exclusion de fonctions prononcée soit lissée dans le temps afin d’en minimiser les conséquences sur l’organisation du service.

Lors de la notification de sanction, l’autorité territoriale doit communiquer à l’intéressé les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine du conseil de discipline de recours se trouvent réunies. L’arrêté doit porter mention des voies et délais de recours contentieux qui commence à courir à compter de la notification de la décision portant sanction. 

Les conséquences des sanctions

La sanction prononcée emporte un certain nombre de conséquences pour l’agent concerné.

La possibilité d’exercer une autre activité pendant la période d’exclusion de fonctions

En cas d’exclusion temporaire de fonctions et quelle qu’en soit la durée, l’agent sans rémunération peut exécuter une autre activité afin de subvenir à ses besoins.
Le cas échéant, lorsqu’il s’agit d’une activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou encore libérale, la commission de déontologie placée auprès du Premier ministre est chargée d’apprécier la compatibilité de cette activité avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité.

 Les conséquences financières de la sanction

Les conséquences financières de la discipline pour l’agent dépendent de la sanction choisie et de son caractère définitif ou non.

Les conséquences administratives de la sanction 

Il y aura retard dans l’avancement de l’agent lorsqu’une exclusion de fonctions, un abaissement d’échelon ou une rétrogradation a été prononcé. Il y aura également une radiation des cadres lorsqu’une révocation, une exclusion définitive des fonctions ou une mise à la retraite est prononcée.

Congés annuels
Pour les congés annuels, dans le cas d’une sanction qui fait perdre la qualité d’agent public (révocation, mise à la retraite d’office, exclusion définitive du service, licenciement), la date d’intervention de la sanction déterminera si les congés sont conservés (l’intervention de la sanction a lieu à l’issue du reliquat de congés annuels) ou si ils sont perdus (l’intervention intervient dès sa notification).

Médaille d’honneur régionale, départementale et communale
Cette médaille récompense les agents réunissant de réels mérites, il convient donc de veiller à l’honorabilité des candidats qui ne doivent pas être sous le coup d’une enquête disciplinaire ou pénale ou/et ne pas s’être vu infliger une sanction dans le courant de l’année et ne pas avoir fait l’objet d’une sanction supérieure au blâme au cours des 10 dernières années.
Le code des communes prévoit que la médaille peut se perdre de plein droit par une condamnation à une peine afflictive ou infâmante ou par une révocation. Elle peut aussi être retirée par arrêté du préfet, commissaire de la République pour toute autre condamnation ou pour indignité dûment constatée ou encore à la suite d’une sanction pour faute disciplinaire.

Le droit à concourir
Le droit à concourir reste intact, mais l’administration garde la possibilité d’apprécier l’aptitude à concourir des candidats et peut donc tenir compte de faits et manifestations antérieurs à la candidature de l'intéressé lorsqu'ils établissent son inaptitude à exercer les fonctions dont il s'agit. Il incombe alors au juge de l'excès de pouvoir de vérifier que la décision ainsi prise est fondée sur des faits matériellement exacts et de nature à la justifier légalement.
L’administration conserve aussi la possibilité de refuser la nomination d’un candidat reçu à un concours, si son comportement antérieur a motivé une procédure de révocation.

Procédure disciplinaire et procédure pénale

Des mêmes faits peuvent constituer une infraction pénale et une faute disciplinaire. Cependant, dans la plupart des cas les infractions pénales ne correspondent pas d’ordinaire à des manquements professionnels, mais plutôt à des manquements fautifs du fonctionnaire dans sa vie privée.

Principe de l’indépendance des procédures pénales et disciplinaires…

« Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ».
De ce principe d’indépendance découle la possibilité pour l’autorité administrative d’exercer une procédure disciplinaire lorsqu’une procédure pénale est en cours (les faits pouvant être constitutifs à la fois d’une infraction pénale et d’une faute disciplinaire).
L’administration peut exercer une procédure disciplinaire lorsqu’aucune procédure pénale n’est engagée (par exemple lorsque le comportement de l’agent ne peut être qualifié pénalement) ou lorsque les poursuites pénales ont été abandonnées.
L’administration peut aussi renoncer à une procédure disciplinaire lorsqu’une procédure pénale est engagée.

...Atténuation du principe d’indépendance

Si la faute pénale est aussi une faute disciplinaire, le conseil de discipline peut surseoir à statuer jusqu’à l’intervention de la décision du tribunal. Il y a donc atténuation de l’indépendance des deux procédures.
Si l’administration décide de différer sa décision en matière disciplinaire jusqu’à ce que le juge pénal ait statué, il lui incombe, dans le choix de la sanction qu’elle retient, de tenir compte non seulement de la nature et de la gravité des faits répréhensibles mais aussi de la situation d’ensemble de l’agent en cause, à la date à laquelle la sanction est prononcée, compte tenu, le cas échéant, des éléments recueillis, des expertises ordonnées et des constatations faites par le juge pénal.

L’administration n’est pas liée par la qualification juridique des faits opérée par le juge pénal (crimes, délits, contraventions...), mais elle est liée par l’appréciation du juge pénal quant à l’exactitude ou l’inexactitude matérielle des faits. L’inexactitude matérielle relevée par le juge pénal mettra obligatoirement fin à la procédure disciplinaire engagée à raison des mêmes faits.

En cas de peine privative des droits civiques (droit de vote, éligibilité et capacité à être juré) prononcée par le juge pénal, l’autorité territoriale doit radier des cadres le fonctionnaire car « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire notamment s'il ne jouit de ses droits civiques et s'il ne remplit pas les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction » (article 5 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983).
Une telle radiation ne présente pas un caractère disciplinaire et intervient sans procédure disciplinaire préalable, sans communication du dossier, ni respect des droits de la défense et doit intervenir à la date à laquelle la privation des droits a été prononcée.

En cas de condamnation à une peine non privative des droits civiques, si la condamnation est incompatible avec l’exercice des fonctions, l’autorité territoriale saisit le conseil de discipline en vue de la révocation sur le fondement de l’article 5-3° de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 en raison de mentions incompatibles avec l’exercice des fonctions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire. L’autorité territoriale doit être en mesure de prouver l’incompatibilité dénoncée.

L’autorité territoriale n’est pas tenue d’attendre l’issue des poursuites pénales pour prononcer une sanction disciplinaire à raison des mêmes faits.

Quand le conseil de discipline est saisi pour avis, la détention provisoire de l’agent ne fait pas obstacle au déroulement de la procédure du moment que les droits de la défense ont été respectés.

Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites devant un tribunal répressif, le conseil de discipline peut, à la majorité des membres présents, proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal.

Deux règles inopérantes
Le fonctionnaire ne peut s’appuyer :

- sur la règle du « non bis in idem » qui interdit qu’un individu soit sanctionné deux fois pour les mêmes faits. En effet, les procédures pénale et disciplinaire n’ont pas le même objectif. L’action pénale vise à défendre la société alors que l’action disciplinaire a pour objet le maintien de la discipline interne à l’administration. Il en résulte que l’autorité territoriale peut prononcer une sanction à raison des mêmes faits que ceux sanctionnés pénalement.

- sur la présomption d’innocence inscrite dans l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et dans l’article 6-2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « ces textes n’ont pas pour objet, ni pour effet d’interdire à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire de sanctionner des faits reprochés à un agent public, dès lors que les faits sont établis ».

La suspension : préalable éventuel à la procédure disciplinaire

La suspension n’est pas une sanction disciplinaire, c’est une mesure administrative conservatoire destinée à écarter temporairement de ses fonctions, dans l’intérêt du service, un agent ayant commis une faute grave (manquement aux obligations professionnelles ou infraction de droit commun). La faute commise doit présenter un caractère de gravité suffisante pour justifier la suspension. Il revient à l’autorité territoriale d’apprécier la gravité de la faute. Cette appréciation se fera sous le contrôle du juge administratif.

La suspension suppose que les faits présentent une gravité et une vraisemblance suffisantes pour justifier une telle mesure même si l’information judiciaire débouche ultérieurement sur un non lieu.

La suspension ne peut servir à écarter du service un agent sanctionné dans l’attente de lui trouver une nouvelle affectation.

La décision de suspension prend la forme d’un arrêté individuel. Elle n’a pas à être précédée de la communication préalable du dossier, ni d’une procédure contradictoire.

La suspension n’est pas une sanction disciplinaire, mais elle ne peut pour autant être dissociée de la procédure disciplinaire. En effet, le conseil de discipline doit être saisi sans délai par l’autorité qui prononce la suspension. Lorsque l’agent est suspendu, le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d’un mois à compter du jour où il a été saisi par l’autorité territoriale.

La suspension d’un fonctionnaire stagiaire est de nature à justifier la prolongation du stage si la collectivité territoriale employeur en décide ainsi.

Conséquences pour l'agent

L’agent suspendu est assimilé au fonctionnaire en activité. La suspension compte comme du service effectif pour l’avancement d’échelon et de grade et compte pour la retraite. Mais n’ayant pas travaillé pendant la période de suspension, un agent suspendu verra son droit à congé annuel proratisé.

La suspension peut être prononcée à l’égard d’un agent en maladie, cette mesure a cependant pour objet d’écarter l’agent de son service. Or en congé de maladie, l’agent est déjà dispensé de son obligation de servir. Il en résulte logiquement une prise d’effet de la suspension à l’expiration du congé maladie.
Cependant, en l’absence de mention dans la décision de suspension ou dans la lettre de notification prévoyant une entrée en vigueur différée, la mesure de suspension prend effet à la date de sa notification, même si l’agent est en congé maladie ou congés annuels. En effet, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose qu’une mesure de suspension ne prenne effet qu’à l’issue de la période de congés annuels ou de maladie dont bénéficie l’agent.

La suspension, qui ne rompt pas les liens entre l’agent et le service, ne prive pas l’agent de la possibilité de demander une disponibilité pour convenances personnelles. Seules les nécessités du service peuvent justifier un refus de mise en disponibilité.

Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations sociales obligatoires. En revanche, les primes et indemnités liées à l’exercice effectif des fonctions n’ont pas lieu d’être versées. La nouvelle bonification indiciaire constitue un complément de la rémunération lié à l'exercice effectif des fonctions qui ne peut être versé durant la période de suspension. Ces sommes ne peuvent pas être prises en compte pour le calcul de la retraite.

Si en raison de poursuites pénales le fonctionnaire n’est pas rétabli dans ses fonctions au-delà de quatre mois, il peut subir une retenue qui ne peut excéder 50 % de la rémunération (traitement, indemnité de résidence). Seul le supplément familial de traitement reste versé dans son intégralité.

L'agent non titulaire peut percevoir une rémunération couvrant la période de suspension de fonctions à l'issue de cette période et sous réserve de n'avoir fait l'objet d'aucune sanction pénale ou disciplinaire.

Lorsqu’un agent suspendu n’est pas sanctionné, ni disciplinairement, ni pénalement, il a droit au paiement des retenues effectuées sur sa rémunération y compris pour la période de prolongation de la suspension (traitement, indemnité de résidence, supplément familial de traitement et prestations familiales obligatoires).

L'administration n'est pas tenue de suspendre un fonctionnaire incarcéré. L'agent, en position d'activité, ne peut en aucun cas être radié des cadres pour abandon de poste. Le fonctionnaire incarcéré dans l'impossibilité d'accomplir son service perd tout droit à traitement. L'administration peut, par mesure de bienveillance, choisir de suspendre l'agent incarcéré, ce qui a pour effet de maintenir sa rémunération. Elle peut toutefois mettre fin à tout moment à cette mesure de suspension. Dès lors, un agent, qui a non seulement été suspendu mais aussi incarcéré, et dont la mesure de suspension a pris fin, perd son droit à traitement pour absence de service fait.

Lorsque les faits ne sont pas survenus à l'occasion de l'exercice des fonctions, l'administration doit attendre le jugement pénal pour prendre d'éventuelles sanctions disciplinaires.

Le temps passé en détention provisoire est décompté comme service actif pour l'avancement en l'absence de mesure de suspension.

L’administration peut mettre fin à une mesure de suspension à tout moment, sans avoir à satisfaire à la communication du dossier, s’il apparaît que le fonctionnaire peut rejoindre son poste sans inconvénient pour le fonctionnement du service. Cette décision n’a pas pour effet l’abandon obligatoire des poursuites disciplinaires.

Les garanties accordées à l’agent

La charge de la preuve incombe à l’autorité territoriale. La procédure disciplinaire est une procédure accusatoire. Il revient à l’administration qui entend sanctionner l’agent d’apporter la preuve qu’une ou plusieurs fautes ont été commises. De simples suspicions ou rumeurs ne peuvent fonder une action disciplinaire.

L’autorité territoriale peut décider de mener une enquête interne afin d’obtenir plus d’éléments sur les circonstances de la faute commise et de recueillir des preuves. Il revient à l’administration d’élaborer le dossier disciplinaire, composé de l’ensemble des éléments qui sont portés à la connaissance de l’agent dans le cadre de la procédure disciplinaire (rapport disciplinaire présentant les faits et leurs circonstances, lettre d’information de l’agent de l’engagement de la procédure disciplinaire, procès-verbal de communication du dossier, observations de l’agent, etc...).

 L’obligation d’information de l’agent

La collectivité a l’obligation d’informer l’agent qu’une procédure disciplinaire est engagée à son encontre.

Cette information prend la forme d’un courrier adressé en recommandé avec accusé de réception qui précise les faits reprochés (ces mêmes faits seront repris dans le rapport disciplinaire), l’information qu’une procédure disciplinaire est envisagée à l’encontre de l’agent, l’information du droit de l’agent à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et l’information du droit de se faire assister par une ou plusieurs personnes du choix de l’agent.

 Le droit à la communication du dossier

L’agent à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Cette communication a lieu dans les locaux de l’administration et doit intervenir dans des conditions permettant à l’agent de préparer efficacement sa défense.

La communication doit être préalable à la décision de sanction car la communication du dossier doit permettre à l’agent de prendre connaissance des griefs retenus à son encontre et ainsi préparer sa défense. Ce droit à communication intervient donc au début de la procédure disciplinaire.

L’agent peut demander une copie de son dossier.

Lorsque l’agent, prévenu sans équivoque de son droit à communication de son dossier, n’en sollicite pas l’exercice, il est réputé y avoir renoncé.

L’agent qui se trouve dans l’impossibilité réelle de se déplacer (en raison d’une maladie invalidante, d’une incarcération, peut mandater la personne de son choix pour prendre connaissance des éléments portés à son dossier. Il revient à l’administration de s’assurer de la validité du mandat ainsi que de l’identité de la personne se présentant comme le mandataire de l’agent.

A l’issue de la consultation de son dossier, il est opportun d’établir un procès-verbal de communication de dossier reprenant la liste des pièces consultées par l’agent ou celles dont il a demandé copie. Ce document attestera que l’administration a bien répondu à son obligation d’information du droit à la communication du dossier et que l’agent a bien exercé ce droit.